Extrait du texte Liberté, Égalité, Féminité

SCÈNE 7

OLYMPE : (Subitement très nerveuse.)
J’exige la présence de mon avocat ! Où est maître Tronson-Ducoudray ? C’est la peur, c’est la terreur que vous inspirez, qui justifie son absence mais j’ai droit à un avocat !
FOUQUIER TINVILLE :
Vous avez le droit de vous taire et d’écouter maintenant l’acte d’accusation.
OLYMPE :
Vous me l’avez dit tout à l’heure. Épargnez-nous la répétition. (Aux jurés.) Mon inculpation repose sur un écrit qui a été mal interprété…
FOUQUIER TINVILLE :
J’en rappelle le titre au tribunal : Les Trois Urnes ou le salut de la patrie !
OLYMPE :
C’est en réalité un hommage solennel rendu à la souveraineté nationale.
FOUQUIER TINVILLE :
C’est une atteinte à la République une et indivisible ! Permettez, messieurs les jurés, que j’en fasse lecture. (Il lit.) « Trois urnes portant chacune cette inscription : « Gouvernement Républicain » ; « Gouvernement Fédéral » ; « Gouvernement Monarchique » seraient placées dans chaque département. Les Français, enfin maîtres de leur choix, déposeraient un bulletin dans l’urne représentant le gouvernement le plus conforme à leur caractère, à leurs mœurs, à leur climat. »[1]
OLYMPE :
Un référendum, oui ; l’idée était belle !…
FOUQUIER TINVILLE :
L’idée a été imprimée – et diffusée ! – sans tenir compte de la loi qui interdit à quiconque, sous peine de mort, de proposer le rétablissement de la royauté en France.
OLYMPE :
Mon projet d’affiche était terminé avant la publication de cette loi.
FOUQUIER TINVILLE : (Froidement.)
Vous êtes accusée d’inciter ouvertement à la guerre civile et d’avoir chercher à armer les citoyens les uns contre les autres.
OLYMPE : (Indignée.)
Non ! C’est précisément la crainte de la guerre civile qui m’a inspirée cette proposition démocratique. Des capitales en révolte, telles que Bordeaux, Lyon, Marseille, se préparaient ouvertement à marcher sur Paris.
FOUQUIER TINVILLE :
Et alors ?
OLYMPE :
C’est l’absence de choix individuel qui exacerbe les haines et la fureur. Je proposai à chacun une libre expression…
FOUQUIER TINVILLE : (Soudain grandiloquent.)
Vous proposiez une utopie ! Une utopie qui encourage la guerre civile ! Comment voulez-vous réunir en un même lieu des Républicains, des Fédéralistes et des Monarchistes !… Trois partis entièrement divisés, sans que le choc de leur opinion n’y causât une explosion dangereuse !?
OLYMPE :
Essayez ! Pourquoi n’avoir pas essayé ?!
FOUQUIER TINVILLE :
C’est absolument irréalisable ! Vous êtes une folle dangereuse ; vous nagez en pleine utopie.
OLYMPE :
L’utopie, pour moi, n’est pas ce qui est irréalisable mais ce qui est irréalisé.[2]

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[1] Archives nationales. Texte de l’affiche des Trois Urnes ou le salut de la patrie

[2] Prêtons à Olympe cette réflexion de Théodore Monod (1902-2000), scientifique naturaliste, explorateur et humaniste français.

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